Petite production distribuée par Fox Searlight, imaginée et dirigée par une équipe de (quasi) débutants, Another Earth avait tout sur le papier du sous-Tarkovski gonflant, d'une SF intellectualisée à l'extrême. Pourtant, tout ici est question de délicatesse.
Avec Melancholia, Lars Von Triers abordait la découverte de l'autre monde, de la fatalité scientifique (en gros la fin du monde), comme une fatalité destructrice et terriblement... mélancolique. Jeune réalisateur inconnu, Mike Cahill l'aborde lui comme la promesse d'un ailleurs, d'une reconstruction possible. Un double de la terre apparaît dans le ciel, et l'humanité se met à rêver de sa rencontre avec son autre « moi », avec le possible effacement des actes manqués, avec un autre destin. Œuvre foncièrement poétique, où les seules traces de science-fiction sont reléguées dans un arrière-plan télévisé et un contexte philosophique tout juste caressé, Another Earth préfère une poésie planante, une contemplation éthérée dont la plus belle image reste cette Terre-2 (les fans de DC Comics apprécieront), qui prend de plus en plus de place dans le ciel bleu et écrase de sa beauté l'horizon et la Lune. Venu du documentaire, Mike Cahill (le très beau Boxers and Ballerinas) se retrouve piégé régulièrement dans ses automatismes un poil arty (école Sundance), avec de très gros plans qui appuient le désespoir, un montage trop signifiant ou des zooms trop rapides.
Mais il faut lui reconnaître un talent extraordinaire pour composer des images d'un équilibre parfait, mettre en place des cadres sensibles et élégants, que vient souligner une photographie lumineuse et chaude qui rappelle avec modernité le travail de Vermeer. Avec modernité car, tourné avec une caméra numérique de moyen calibre, le film explore constamment les potentialités du format, jouant avec les variations de vitesse, les baisses de définition ou l'impact de la lumière sur la poussière pour ajouter à la beauté de l'entreprise. Souvent bien vu, parfois enthousiasmant (en particulier lorsque les musiques du groupe Fall On Your Sword viennent s'emparer du tempo), Another Earth est une découverte étonnante qui pratique un cinéma sans doute très intellectualisé, mais où nait admirablement un drame intimiste entre deux être brisés par un même drame, qui vont, sans le savoir, se porter, se soigner, se permettre de reprendre leurs chemin. Et cette réussite est aussi à mettre clairement au crédit d'un très juste William Mapother (Lost), et surtout de la fragilité naturelle de l'inconnue Brit Marling (coscénariste du film) dont l'interprétation d'une rare délicatesse, ainsi que son attitude brisée, frappent irrémédiablement le spectateur. Une autre jolie découverte.



