Premier épisode de Kingdom Hearts sur 3DS, Dream Drop Distance arrive à point nommé pour fêter les dix ans de la saga. Un jeune âge dans l'univers des licences vidéoludiques mais qui lui a pourtant permis de se rapprocher à vitesse grand V de l'aura de la locomotive Final Fantasy.
Et pourtant, l'univers imaginé par Tetsuya Nomura est bien moins facile à appréhender que celui en constant changement des FF. Sans doute parce que dès le départ, Kingdom Hearts repose sur la rencontre hautement improbable entre les mondes de Square-Enix et ceux de Disney, mais aussi parce que son scénario extrêmement alambiqué, qui plus est modifié dans des versions EX inédites en France, se perpétue sur chaque épisode, aussi anecdotiques soient-ils. En attendant donc un hypothétique KH3, Square-Enix a eu la riche idée de disposer régulièrement au cours de cet épisode des Flashback explicatifs sur tous les évènements qui ont précédé, des deux opus PS2,au sublime Birth By Sleep sur PSP en passant par les plus discutables tentatives sur DS. Et ce n'est pas du luxe, tant les voyages intérieurs, au travers du royaume des ombres, dans le temps et aujourd'hui dans les terres endormies, ont de quoi semer les joueurs dans des circonvolutions tétanisantes. Avec un peu d'effort ici, on peut désormais recommencer à apprécier le tableau général et imaginer des pistes intéressantes pour les épisodes à venir.
Surtout que depuis le premier épisode, le gameplay n'a cessé de s'améliorer, passant d'une approche vive du hackn'slash à une expérience de plus en plus électrique, survoltée, qui trouve son aboutissement dans cet épisode 3D grâce à une utilisation très poussée de la fluidité des enchaînements. Il est bien entendu toujours question de préparer à l'avance sa liste de commandes parmi les attaques et magies débloquées (ou achetées à la boutique), mais aussi d'utiliser sauts, rebonds et éléments du décor pour se laisser griser par des percées ultra-rapides et dévastatrices. Les combats sont frénétiques, spectaculaires et, pour peu qu'on ait déjà investi dans ce satané second pad de la console, parfaitement lisibles. Peu importe du coup que les affrontements s'enchaînent tous les trois ou quatre pas, toutes ces rencontres sont attendues par un joueur totalement grisé, séduit par ce que l'on pourrait aujourd'hui appeler le meilleur des Action-RPG. C'est qu'en plus d'avoir perfectionné son animal, l'équipe de Nomura en a imaginé une bonne pelletée qui va venir aider le joueur dans sa quête. D'anciennes créatures ennemies donc, dont on peut dégotter les recettes de fabrication et qu'il faudra par la suite emmener avec soi (trois à la fois), domestiquer et faire monter en niveau afin de récolter de nombreux avantages pendant les combats (attaque, défense, vie...), mais aussi lancer quelques super-attaques seul ou en combiné pour exploser tout ce qui galope à l'écran.
Ce côté Pokémon musclé ne sera pas au goût de tout le monde, et ne comblera clairement pas l'absence de charisme des héros Disney. La formule se révèle toutefois très accrocheuse dans la pratique - sans doute parce que les amateurs d'élevage peuvent carrément faire mumuse avec lesdites bêbêtes dans des mini-jeux « cro mignon » ou chercher des items rares pour les faire s'amouracher. Mais surtout parce qu'elles sont au centre d'un jeu de cartes « Combat effréné » particulièrement bien senti, reposant autant sur la puissance des cartes en stock que sur les reflexes au stylet lorsqu'il faut envoyer ses combinaisons vers le haut pour attaquer ou vers le bas pour défendre. Très prenant, ce mode permet lui aussi de dégotter quelques items bien utiles et surtout de faire une petite pause entre deux mondes. Ces derniers sont cette fois-ci au petit nombre de sept, mais affichent autant une esthétique très variée que des approches originales. Ainsi dans la reprise du Bossu de Notre-Dame il est possible d'utiliser des balises pour glisser au travers des tableaux, tandis dans Tron Legacy (magnifique), certains éléments peuvent être piratés ou transformés en BD dans Les Trois Mousquetaires. Restent un détour du côté du film Fantasia (avec une utilisation hallucinante de la musique classique), un retour très inventif chez Pinocchio, un monde final qui va laisser des traces et bien entendu un arrêt obligé du côté du Monde de traverse.
Point de départ de tous les Kingdom Hearts, le Monde de traverse n'a pas forcément changé dans sa structure mais souligne immédiatement les ambitions accrues des développeurs, en servant de tutorial déguisé avec utilisation forcée du décor, reprise en mains des enchaînements et, grosse nouveauté, la rencontre avec les héros de The World Ends With You, soft inédit en France mais pourtant particulièrement inventif, voire expérimental. Un croisement assez logique du coup tant Dream Drop Distance n'a de cesse de séduire le joueur en combinant une prise en main limpide à une action effrénée, le tout en ne cessant de renouveler minute après minute son expérience et ses possibilités. Mais comme souvent, à force de trop vouloir en faire, Square-Enix n'échappe pas à quelques erreurs. Si les transitions entre chaque monde façon Space Harrier sont dispensables (mais amusantes), c'est surtout l'alternance forcée entre Sora et Riku qui fait trop souvent perdre le fil. Les personnages ont ainsi une fâcheuse tendance à se rendormir dès lors que leur jauge respective est arrivée à zéro, pour laisser la place au second qui parcourt les mêmes décors, mais avec d'autres évènements en ligne de mire. Une bonne façon de rallonger la durée de vie, de multiplier les angles et de forcer à appréhender un gameplay légèrement différent, mais qui peut aussi largement casser les pieds lorsque le héros sombre dans le sommeil en pleine phase de boss. Un poil mal calibré, mais le joueur devra composer avec. Et malgré cette petite sortie de route, Kingdom Hearts 3D n'en reste pas moins l'un des meilleurs chapitres de la saga et la preuve que Square-Enix est encore capable d'accoucher de très grands jeux.





